Relais

Relais en escalade

Dès que la cordée s’élève de plus d’une longueur de corde au-dessus du sol, le leader doit normalement effectuer un arrêt en bout de corde, autrement dit effectuer un « relais ».

On peut distinguer deux situations bien distinctes, qui vont influencer la suite de la manoeuvre: les voies équipées en terrain préparé, et les voies non équipées, dites en « terrain d’aventure ».

Terrain préparé et équipé

Dans une voie d’escalade préparée et équipée, la manoeuvre sera simplifiée, le leader n’ayant plus qu’à organiser son relais en fonction des points d’ancrages déjà en place.
Son premier travail va donc consister à contrôler et évaluer la solidité et l’état des points déjà en place, au besoin à les renforcer en changeant les anneaux de corde ou de sangle usés, à retaper l’un ou l’autre piton, à resserrer la plaquette qui bouge etc.
Une fois la fiabilité des points contrôlée, il va pouvoir installer son relais.

Une règle de sécurité est vraiment recommandable, même dans les voies équipées: toujours relier les points en place entre eux!

Il est en effet impossible pour le grimpeur arrivant au relais d’être absolument sûr que les points en place sont fiables à 200%! Il est arrivé dernièrement à l’un de mes amis de casser une broche scellée en inox 10 mm, en place depuis 5 ans seulement dans une falaise 200 m au-dessus de la mer, en y suspendant son sac rempli de 10 kg d’équipement!
S’ils ne sont pas déjà reliés entre eux par une chaîne (de préférence inox) solide et originale du fabricant, il faut impérativement relier les points entre eux avec la corde, une dégaine ou une sangle. Se méfier de la solidité des chaînes « bricolées », qui ne tiennent elles-mêmes que 250 à 600 kg! Ne jamais s’attacher sur un seul de leur maillon ou par-derrière la chaîne!

Plus loin dans le texte, je parle de « système d’assurage » pour le second. Ce sont les appareils ci-après, ou similaires: Smart alpine, Bionic Alpine Belay, Reverso 3, ATC guide, Mega Jul, Mascott, Alpine Up, plaquette NewAlp, GiGi etc. Ils permettent tous un assurage du ou des seconds, et également du premier de cordée.

Plusieurs variantes s’offrent alors pour réaliser un relais, selon le terrain, la solidité des points, l’expérience des grimpeurs et leur organisation au sein de la cordée.

A ce propos, on distingue la cordée évoluant en « réversible », c-à-d. que le leader devient second à la longueur suivante, et ainsi de suite jusqu’au sommet de la voie. Technique qui s’adresse à des grimpeurs expérimentés, capables d’installer et d’organiser leur relais de manière autonome.
Si ce n’est pas le cas, la cordée évolue de manière classique, le leader conduisant la course en tête, le second suivant en deuxième jusqu’en haut.

A. Mise en place d’un relais avec la corde sur deux points solides:

La méthode la plus simple à effectuer, plus pratique à employer lorsque la cordée grimpe en « réversible »:

(Dans le texte ci-après, « la corde » peut également valoir pour « les cordes à double » ou « jumelées »: les deux brins de corde sont à mettre en place ensemble dans les mousquetons comme s’il s’agissait d’une seule corde)

  1. arrivée du leader au relais, accrochage d’un premier mousqueton de sécurité, doigt à l’extérieur du relais, ouverture vers le bas, passage de la corde, mise en place du nœud de « cabestan » et verrouillage du mousqueton
  2. placer un deuxième mousqueton de sécurité sur le second point, ouverture à l’extérieur et également vers le bas. Après avoir pris environ 80 cm de mou, effectuer un nouveau nœud de « cabestan » sur la corde et verrouiller le deuxième mousqueton
  3. sur la section de 80 cm entre les deux mousquetons, effectuer un troisième nœud de « cabestan » et y accrocher le mousqueton de sécurité « central » en le verrouillant (en cas de « cordes à double » ou « jumelées », effectuer plutôt une queue de vache avec le nœud de « huit » en prenant les 4 brins de corde)
  4. régler l’emplacement du mousqueton de sorte que la traction / triangulation soit répartie de manière optimale sur les deux points d’ancrage
  5. mettre en place le système d’assurage sur le mousqueton central
  6. avertir son second « Gaston, relais vaché! »
  7. lorsque la corde est libérée, ravaler la corde du second et introduire la corde du second dans le système d’assurage
  8. avertir son second: « Gaston, prêt! »
  9. dès que le second a défait son cabestan sur la corde, mettre celle-ci en tension. Le second averti son leader: « Henri, parti! »  et détache sa sangle d’auto-assurage
  10. arrivée du second au relais. Auto-assurage du second de manière provisoire avec sa longe sur le mousqueton central
  11. transfert du système d’assurage du second depuis le mousqueton central sur le pontet de l’ancien leader devenant assureur, verrouillage du système d’assurage
  12. transfert du matériel -dégaines, coinceurs etc.- au nouveau leader
  13. mise en place d’une dégaine ou d’un mousqueton de sécurité sur le point central, passage de la corde du nouveau leader et récupération de la longe d’auto-assurage du nouveau leader
  14. dernier contrôle de l’emplacement des cordes et des mousquetons, et départ du nouveau leader

Si la cordée ne grimpe pas en « réversible », mais de manière « classique » en employant cette méthode de relais avec la corde, il faut prévoir 4 mousquetons de sécurité (1 paire par point d’ancrage au lieu d’un seul comme décrit plus haut)
Le leader s’attache alors systématiquement sur le mousqueton du bas sur chaque point, qu’il pourra récupérer en partant du relais, après avoir attaché son second sur les mousquetons du haut, et effectué un nouveau triangle de force avec la corde du second. Cette manœuvre est un peu plus longue à effectuer, mais tout aussi sûre!

B. Mise en place d’un relais avec la sangle sur deux points solides:

Une autre méthode simple et sûre, utilisable dans tous les modes de déplacement de la cordée:

(Dans le texte ci-après, « la corde » peut également valoir pour « les cordes à double » ou « jumelées »: les deux brins de corde sont à mettre en place ensemble dans les mousquetons comme s’il s’agissait d’une seule corde)
Dans l’ordre chronologique, après avoir contrôlé le relais, le leader:

  1. accroche un mousqueton de sécurité, ouverture du doigt vers le bas et à l’extérieur, sur le point du relais le plus haut et introduit la corde de caravane sans verrouiller le mousqueton. Il est ainsi déjà assuré par son partenaire comme s’il continuait à progresser
  2. accroche un second mousqueton de sécurité sur le deuxième point, ouverture du doigt vers le bas et à l’extérieur, et s’auto-assure dessus avec sa longe
  3. passe une grande sangle dans les deux mousquetons à vis après avoir placé la corde en avant de la sangle dans le mousqueton à vis
  4. confectionne un nœud de « cabestan » sur la corde dans le premier mousqueton à vis et règle la distance entre le relais et lui, puis verrouille alors tous les mousquetons
  5. effectue un nœud de « cabestan » sur la sangle en double, en anticipant la direction de traction vers le bas, au besoin il règle la longueur de la sangle reliant un troisième point éventuel, et verrouille le mousqueton « central »! (il pourra encore régler le nœud de « cabestan » du mousqueton central après-coup)
  6. avertit son second: « Gaston, relais vaché! »
  7. met en place sur le mousqueton central le système d’assurage pour le second
  8. récupère le mou sur la corde jusqu’au second et met en place la corde du second dans le système d’assurage, et verrouille celui-ci
  9. le second défait son nœud de « cabestan », attend que le leader lui confirme qu’il est prêt : « Gaston, prêt! »
  10. une fois que la corde est bien tendue, il crie à son leader: « Henri, parti! » avant de décrocher sa longe d’auto-assurage

A ce stade, deux possibilités s’offrent:
soit le premier repart en tête, et le second reste au relais:
Dans ce cas:

  1. arrivée au relais du second, auto-assurage de celui-ci au moyen de sa longe sur le mousqueton central
  2. le leader prend du « mou » sur la corde du second, effectue un « cabestan »  et l’accroche sur le mousqueton central au moyen d’un second mousqueton de sécurité, puis il sort la corde du second hors du système d’assurage
  3. transfert du matériel récupéré par le second dans la longueur précédente -dégaines, coinceurs etc.- au leader
  4. le second met en place la corde du leader dans son frein, et passe la corde du leader dans une dégaine accrochée au point central
  5. le leader peut se décrocher des points du relais et repartir

Soit la cordée grimpe en « réversible », le leader devient assureur la longueur suivante, et vice-versa ainsi de suite:
Dans cette situation:

  1. arrivée au relais du second, auto-assurage de celui-ci au moyen de sa longe sur le point central
  2. transfert du matériel -dégaines, coinceurs etc.- au nouveau leader
  3. l’ancien leader transfère le système d’assurage du second sur son propre pontet de harnais en mettant alors la corde du second en position d’assurage vers le haut
  4. il passe la corde du nouveau leader dans une dégaine ou un mousqueton de sécurité dans le mousqueton central
  5. le nouveau leader enlève son auto-assurage du mousqueton central et repart

Terrain d’aventure

Lorsque la cordée évolue en « terrain d’aventure », les ancrages sont posés et enlevés par la cordée en déplacement. Par exemple en cascade de glace, dans une voie partiellement ou non équipée ou encore sur une voie classique en montagne
Pour préparer son relais, le grimpeur de tête va choisir un endroit propice, offrant si possible un replat ou une dépression, avec des possibilités de préparer des ancrages solides et fiables. Par exemple des vis à glace, des coinceurs à câble et/ou mécaniques, des pitons, des sangles ou anneaux de corde autour d’un arbre, d’un bloc de rocher ou à travers une lunule, le tout pouvant être combiné selon le terrain

  • Un point important sera de relier systématiquement tous les points du relais – au minimum toujours trois points! et de confectionner un triangle de force
  • Dans ce type de terrain, il est également recommandable que tous les grimpeurs s’auto-assurent uniquement au « mousqueton central », et seulement au moyen de leur corde. Il y aura moins de matériel sur le relais, l’ensemble sera plus solide, plus dynamique et plus clair dans les manœuvres (il est pratique d’employer systématiquement les mêmes mousquetons de sécurité comme mousqueton central, marquage avec du scotch p.ex.)
  • Si la cordée emploie des « dégaines-explose », ou absorbeurs de choc, dégaine dont la sangle est conçue pour absorber une partie de l’énergie d’une chute en se déchirant spécialement, il ne faut en aucun cas en poser directement sur les points d’ancrage du relais. En effet, si l’une d’entre elles venait à « exploser » avant les autres, cela déséquilibrerait le triangle de force, et au lieu de renforcer le relais, cela le déstabiliserait de manière dangereuse. Le seul endroit propice pour en placer une sera au mousqueton central, en y passant les cordes du leader lorsqu’il repart dans la longueur suivante.

Marche à suivre:

  1. en premier lieu, il s’agit de poser un premier point, sur lequel le leader va s’auto-assurer avec sa longe. Sa corde reste ainsi reliée au dernier point dans la longueur, sans nœud sur elle au cas où elle aurait à subir un choc suite à une fausse manœuvre – en effet, si le grimpeur venait à tomber après s’être auto-assuré avec sa corde au premier point d’ancrage, et que celui-ci venait à céder, la corde devrait retenir la chute avec un nœud sur sa longueur, qui pourrait avoir un effet catastrophique pouvant aller jusqu’à la rupture!!!
  2. après avoir posé les ancrages, les avoir reliés avec les sangles et confectionné le triangle de force, le leader s’auto-assure avec sa corde au mousqueton central au moyen d’un autre mousqueton de sécurité, et décroche sa longe provisoire du premier point, pour ne pas charger le relais sur un seul point!
  3. dans toutes les manœuvres suivantes, seul le mousqueton central sera systématiquement employé.  Il ne faut à aucun moment charger un des points isolément. En effet, tous les efforts doivent toujours être répartis sur tous les ancrages à disposition
  4. lorsque le leader quittera le relais, sa corde sera aussi mousquetonnée au point de renvoi sur le « mousqueton central », après que le second se soit positionné 1 à 2 mètres en contrebas du point central
  5. ne pas oublier de transférer le matériel -dégaines, coinceurs etc.- au leader

Conseil futé

  • Le second doit au besoin placer un point supplémentaire à la hauteur de sa ceinture pour s’attacher, minimisant le risque d’un arrachement du relais sur coinceurs.
  • Par contre en glace, il sera préférable de rester attaché seulement sur le relais, le fait d’être libre de bouger en-dessous du relais pourrait s’avérer salutaire de cas de chute de glaçons!
  • Ce décalage vers le bas du second permet d’optimiser l’assurage en cas de chute du leader au départ du relais avant qu’il n’ait pu placer son premier point après le relais 

« Dummy runner » : « ancrage factice », ou le relais avec point de renvoi, la méthode qui préserve la cordée et le relais

Lorsque le relais est précaire, lorsque sa solidité pose un doute, lorsque le pas au départ du relais est très difficile, il est parfois préférable  d’employer la tactique suivante:

Arrivé au relais, le leader installe un triangle de force sur sangles en reliant chaque point, passe sa corde dans le mousqueton central et continue jusqu’au premier ou au deuxième point de la longueur suivante. Après avoir passé sa corde dans la dégaine, il redescend au relais où il s’installe sur le triangle de force comme décrit plus haut selon le style de terrain.

De là, soit le leader passe la/les corde(s) du ou des suivants dans son système d’assurage comme s’il les assurait en moulinette sur son pontet de cuissard. Le blocage d’un des deux grimpeurs suiveurs pourrait être plus problématique. Soit il passe les cordes comme dans un relais normal, en avalant le mou qui monte et redescend au « dummy runner » derrière le système.

S’il grimpent en réversible, la corde du nouveau leader est déjà passée dans les dégaines critiques au-dessus du relais, et de ce fait, il lui est impossible de retomber directement sur le relais. Si la cordée grimpe en « classique », une fois le second auto-assuré au relais, le leader retire la corde du second à l’envers à travers la dégaine, et se retrouvera également assuré d’en haut pour les premiers mètres après le relais.

« Dummy runner » sur le relais: la dégaine qui évite au leader de tomber en tirant son assureur vers le bas

Au départ de la longueur suivante, il est également très courant de mousquetonner la corde du leader sur le mousqueton central ou sur un point solide du relais.

Il faut alors absolument penser de redescendre l’assureur d’un bon mètre en-dessous du relais, pour dynamiser l’assurage et éviter que l’assureur n’aille se coincer les doigts dans le mousqueton de renvoi en cas de vol du leader avant qu’il n’ait passé sa corde dans le premier point après le relais.

Dès que le leader a mousquetonné la deuxième dégaine, l’assureur doit sortir la corde du leader du relais, cela lui laissera plus de liberté de mouvement.

Belles longueurs!