Histoire de la Via ferrata

Depuis des temps immémoriaux, l’homme a toujours aménagé les sentiers exposés et abrupts qu’il devait emprunter, que ce soit pour la chasse, pour accéder à son habitat ou pour ses échanges avec ses congénères. Échelles rudimentaires, main-courantes ou échelons fichés dans les fissures ou les trous de rocher rendaient leurs parcours plus faciles ou plus sûrs. Les matériaux naturellement disponibles étaient alors employés, comme les branches de genévrier, d’acacias ou de chêne, essences résistantes à la pourriture. Des marches furent aussi taillées dans le rocher depuis l’âge du bronze. (Un exemple de ces aménagements est entretenu sur le sentier d’accès au site préhistorique de Tiscali, (≈-1800 ans av. J.-C.) dans la province de Nuoro en Sardaigne).

Au fil des siècles, après la découverte du fer, celui-ci a progressivement remplacé le bois pour sa durabilité et sa solidité.

Le premier aménagement systématique dans un but touristique a vu le jour dans les Alpes autrichiennes, dans le massif du Dachstein en 1843, sous la direction de Friedrich Simony. Des cordes, des échelles, des clous métalliques, des échelons tordus y ont été fixés.

En 1869, une corde est fixée entre les sommets du Grossglockner, et en 1873 des protections fixes sont installées sur le sommet de la Zugspitze. Dans les Pyrénées, des passages sont équipés à demeure au Pic du Midi d’Ossau en 1880, et en 1881 dans l’Ordesa, partie pyrénéenne de la province de Huesca, communauté autonome d’Aragon, en Espagne.

Les Alpes calcaires du nord virent naître en 1899 la première « via ferrata », encore en service aujourd’hui, la « voie Heilbronner » dans les Alpes allemandes de l’Allgau, suivie de près par celle de l’Eggersteig en 1903, et celle du Wildauersteig dans le Wilder Kaiser en Autriche en 1911. Dans les Dolomites, l’arête ouest de la Marmolada a été équipée en 1903, ainsi que celle du Pössnecker dans le groupe des Sella, qui fût terminée avant la Première Guerre mondiale en 1912.

Durant la guerre de 14/18, l’armée italienne a équipé dans les Dolomites certains passages, afin de faciliter le déplacement de ses troupes et l’accès aux points stratégiques sur différents sommets escarpés. A l’époque, les passages furent équipés de cordes fixes et d’échelles en bois. Il n’y avait alors aucun assurage, et le nombre de soldats tombés fut important…

Ces passages, restés équipés sommairement, sont peu à peu tombés dans l’oubli, sauf peut-être pour certains chasseurs intrépides.

Dès les années 1930, puis encore après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Societa Alpinistica Trentina (SAT), épaulée par le Club Alpin Italien (CAI), a commencé à revaloriser certains des parcours dans les Dolomites de la Brenta, en les raccourcissant, en les rééquipant avec des câbles et des barres de fer, afin de faciliter les accès et les retours de certains sommets. L’une d’elles, la « Via de la Bochette », devint par réputation très parcourue, et passe pour la première via ferrata équipée pour l’activité proprement sportive de parcours équipé. Elle fut installée avec une certaine éthique, n’accédant pas directement à un sommet, en limitant l’équipement nécessaire à la progression aux seuls endroits dépourvus de prises. Cette éthique d’équipement, encore parfois respectée aujourd’hui dans la construction des nouvelles via ferrata, permit à l’activité de grandir et de devenir populaire.

Dans les années 50 et jusque dans les années 80, la fréquentation des parcours équipés, petit à petit connus dans le public sous le terme de « via ferrata », devient véritablement une activité en soi. Les alpinistes-grimpeurs commencent à fréquenter les Dolomites pour pratiquer ces itinéraires à la montée comme à la descente. A peu près à la même époque, des parcours sont « équipés » avec les moyens du bord en Chine, dans les pays de l’Est… De nombreux vestiges de ces équipements sont encore visibles, parfois encore très populaires, et ce malgré le manque d’équipement d’assurage, que l’on peut voir couramment sur Youtube…

Chinese Via Ferrata

A partir des années 90, l’activité a littéralement explosé, et, franchissant les frontières, le nombre de nouvelles vie ferrate s’est envolé, en France d’abord, puis en Suisse, tout en rejoignant les parois de basse altitude et s’adressant à un très large public, plus forcément montagnard à la base. En outre, les parcours deviennent plus sportifs, privilégiant les passages les plus spectaculaires, à travers surplombs et passages raides, franchissant des précipices impressionnants sur des passerelles en câble… L’activité devient un sport autonome et ludique, et l’accès à un sommet ou un point de vue n’est plus forcément le but premier. Depuis quelques temps, un moratoire moral d’équipement de nouveaux parcours est en discussion au sein des clubs alpins…